21 septembre 2007

Penser l'histoire dans la tragédie : Le héros cornélien


"Andrea, à voix haute : Malheureux le pays qui n'a pas de héros. [...] Galilée : Non. Malheureux le pays qui a besoin de héros."
La Vie de Galilée, Bertolt Brecht


A- Le héros entre mythe et réalité


Le culte du héros, qu’il soit un personnage historique, tragique ou purement imaginaire met en évidence le désir de l’homme de transcender les conditions objectives de l’histoire et en même temps, la volonté de surpasser la condition humaine, comme l'illustre clairement la légende de Parsifal reprise par Richard Wagner.

Ce n’est donc pas un hasard si le commun dénominateur de tous les héros, qu’ils soient mythologiques, saints hommes ou personnages historiques, est l’exagération et l’idéalisation outrée de leur caractère et de leurs exploits qui culmine en une hagiographie doucereuse, soit dans une légende pour contes d'enfant, et dans le pire des cas, en un culte de la personnalité. Qu’on en fasse l’éloge dans la légende dorée ou dans l'épopée, le héros peut n’être, du fait de cette exagération que la voix de son maître au service d’une idéologie politique ou religieuse déterminée.



B- Penser l' histoire du XVIIe siècle dans le creuset de la Rome Antique.


Par le choix d’un sujet romain, corneille met Horace, le héros éponyme, en porte à faux entre tradition aristocratique et réflexion historique. L'intrigue de la pièce s'inspire de fait de l' Histoire Romaine de l' historien romain Tite Live, et plus précisément du chapitre intitulé Tullus Hostilus (I,22, 23) du même livre. L'on sait que si le choix du sujet remonte à l'antiquité romaine, cette tragédie historique n'est que la réfraction du passé dans le présent. Pour les contemporains du dramaturge, la guerre fratricide d'Albe et de Rome représente un écho lointain de ce qui se passe sous leur yeux. En effet, à cette époque Richelieu, protecteur de Corneille, suit de près voire encourage la guerre qui peut éclater à tout moment entre les deux royaumes frères ennemis, l' Espagne et la France. Comme l'écrira Doubrovsky:« Il y a des sympathies historiques comme il y a des affinités individuelles, certaines périodes communiquent entre elles, d'autres s'ignorent » S. Doubrovsky, Corneille et la dialectique du héros.


Dans ce contexte de guerre, Richelieu défenseur zélé du concept moderne de raison d'État, entend bien que l'on fasse l'apologie de l'héroïsme, de la vertu et de la gloire.


L'échec cuisant du Cid va amener Corneille à respecter les trois unités de l' action, de l'espace et du temps. Soucieux des règles de bienséance, et conformément à l'idéal du classicisme de la littérature française du XVII siècle. En fait, l'auteur d'Horace cherche le général derrière le particulier afin de construire un modèle rationnel à même de dénoter l’universalité sans pour autant offenser le goût du public.




*Synopsis de l'œuvre

L’action dans Horace se déroule à l'époque de la fondation de Rome. Au début de la pièce règne une ambiance paisible et heureuse : la famille romaine des Horace est unie à la famille albaine des Curiaces. Le jeune Horace est marié à Sabine, jeune fille albaine dont le frère Curiace est fiancé à Camille, sœur d'Horace.




Cette harmonie va s’effondrer sous les coups d’une guerre fratricide qui éclate entre les deux villes. Chaque ville se doit de désigner trois champions qui se battront en combat singulier. Le sort désigne les trois frères Horace pour Rome et les trois frères Curiace pour Albe. Les amis d’antan sont obligés désormais de se confronter. Tandis qu'Horace est exalté par son devoir patriotique, Curiace plaint un destin arbitraire et injuste.

le peuple est ému de voir ces héros des deux camps que la volonté des dieux à contraint à combattre pour le salut de leur patrie. Deux Horace périssent pendant le combat, le dernier faisant mine de fuir, va achever les Curiaces blessés et remporter ainsi ce combat. Mais après avoir reçu les félicitations des romains, Horace tue sa sœur qui lui reprochait le meurtre de son bien-aimé. Le procès qui suit donne lieu à un plaidoyer du vieil Horace, qui fait l’apologie de l'honneur aux dépens de l'amour. Horace sera acquitté malgré le réquisitoire de Valère, qui était aussi amoureux de Camille, tout comme Curiace.



C- Penser l'histoire et dilemme cornélien

C’est ainsi que la tragédie cornélienne met en scène des héros qui, confrontés à des situations dangereuses ou des dilemmes politiques et moraux, nécessitant des choix difficiles, font passer leur devoir au-dessus de tout. L'honneur, le devoir, sont les qualités de personnages dont le code moral et politique se donne à voir dans un parcours tragique où sentimentalité et ironie ne sont pas exclues. Tiraillé entre raison et sensibilité le héros cornélien aspire à la gloire au mépris de la réputation, choisit l’abnégation pour montrer qu’il est possible de triompher d’une nature humaine encline à la faiblesse.

Le choix vertueux, ou à plus forte raison l’acte vertueux, hisse le personnage au statut de héros édifiant et adulé par le public parce qu’il réalise sur scène ce qui est difficile à concrétiser dans la réalité.



Etudes pour situer et comprendre Horace de corneille.





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